Le scrutin proportionnel : une solution pour la crise démocratique ? Benjamin Morel et Anne Levade y ont répondu

Actu Loire

Le débat autour du scrutin proportionnel et du scrutin majoritaire s’inscrit souvent dans un dilemme central : lequel de ces systèmes peut mieux répondre aux défis contemporains de la démocratie ? Deux professeurs se sont penchés sur cette question cruciale. La juriste Anne Levade et le chercheur Benjamin Morel y ont répondu. 

Benjamin Morel explique que sous la IVe République, un mode de scrutin proportionnel a été instauré, mais il a été modifié par la loi des apparentements en 1951, visant à désavantager les gaullistes et les communistes. Cette loi permettait aux partis de former des alliances, de sorte que les listes « apparentées » remportaient tous les sièges d’une circonscription si elles obtenaient ensemble plus de 50 % des voix. Dans le cas contraire, les sièges étaient répartis selon la méthode de la plus forte moyenne. L’objectif de la proportionnelle était d’instaurer une discipline forte au sein des partis et de garantir un parlementarisme organisé. Cependant, le découpage en circonscriptions départementales a plutôt favorisé l’émergence de barons locaux et de notables, consolidant leur pouvoir au détriment des partis.

Morel souligne également  qu’il n’est pas certain que la proportionnelle déstructure le système des partis. En comparant avec d’autres démocraties libérales appliquant ce mode de scrutin, on constate que la fragmentation du paysage politique peut être tout aussi marquée. Par exemple, au Bundestag, six partis sont représentés, tandis qu’à l’Assemblée nationale française, le scrutin majoritaire en compte onze. Ce débat est souvent caricatural, car les effets du scrutin proportionnel dépendent largement de ses modalités d’application.

Une proportionnelle bien conçue, excluant la proportionnelle par département, favorise les coalitions. En effet, le scrutin majoritaire impose aux partis de se rassembler dès le premier tour pour espérer une victoire, et de rester unis après le second tour, par crainte d’une nouvelle élection. À l’inverse, la proportionnelle permet à chaque formation de se présenter avec ses propres couleurs et de négocier des accords post-électoraux. Cependant, cela ne signifie pas une dépersonnalisation du jeu politique. En France, les partis se structurent souvent autour de figures présidentielles, une tendance également observée dans d’autres pays ayant adopté la proportionnelle, comme le Mouvement 5 Étoiles en Italie ou Podemos en Espagne.

Néanmoins, la proportionnelle pourrait constituer une réponse à la crise politique, notamment face à l’augmentation préoccupante de l’abstention. Les électeurs, adoptant une approche utilitariste du vote, peuvent être dissuadés d’aller voter s’ils estiment que leur candidat n’a aucune chance de succès.

Anne Levade rappelle que le mode de scrutin à lui seul ne suffit pas à structurer la vie politique, et que l’analyse comparative des systèmes politiques et constitutionnels a ses limites. En effet, il existe plusieurs formes de scrutin proportionnel, si nombreuses qu’il est impossible de les énumérer toutes. On peut opter pour une proportionnelle intégrale, qui s’applique à l’ensemble des élus, ou partielle, où une dose de proportionnelle est envisagée.

Cependant, ce choix n’est pas suffisant : il est également crucial de déterminer la circonscription—nationale ou départementale—et de fixer le seuil d’accès pour les formations politiques. Il est d’ailleurs erroné de penser que la France ne pratique que le scrutin majoritaire. Bien que ce dernier soit la norme pour les législatives, à l’exception des élections de 1986, de nombreux autres scrutins sont organisés selon une approche proportionnelle. Par exemple, lors des élections européennes, une proportionnelle intégrale est appliquée, avec des listes nationales depuis 2018. Les listes ayant obtenu plus de 5 % des suffrages se voient attribuer un nombre de députés proportionnel à leur score, dans la limite des 81 sièges que la France détient au Parlement européen. De plus, les élections sénatoriales sont organisées selon un scrutin mixte, où le mode de scrutin est proportionnel dans les départements élisant au moins trois sénateurs, utilisant la méthode de la plus forte moyenne pour la répartition des sièges.

En conclusion, bien que le scrutin proportionnel puisse offrir des solutions face à la crise démocratique, son efficacité dépendra des modalités spécifiques de sa mise en œuvre et de l’engagement des partis à favoriser un véritable pluralisme politique.

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