Derrière la place Dorian, l’homme Frédéric Dorian, entre utopie et pragmatisme

Actu Loire

Pierre Mazet auteur de nombreux Polars et passionné d’Histoire nous présente des stéphanois dont parfois par manque de culture nous ignorons l’existence.

Frédéric Dorian : entre utopie et pragmatisme

Dorian est un nom familier pour les Stéphanois, puisqu’il est associé à l’une des places les plus centrales de Saint-Etienne. Derrière ce patronyme familier, se cache un homme au parcours singulier
dans le milieu du patronat industriel de la seconde moitié du XIXème siècle. Pierre-Frédéric Dorian est né à Montbéliard le 24 janvier 1814. Il est issu d’une famille appartenant à la petite bourgeoisie protestante dont les ancêtres ont fui les Cévennes après la révocation de l’Édit de Nantes. Il poursuit ses études dans son pays natal, avant de venir suivre les cours de l’Ecole des Mines de Saint-Etienne en tant qu’élève libre. Sa mère lui achète alors en 1834 la petite usine des Balaires dans la vallée de Rochetaillé.

La doctrine de son compatriote Charles Fourier (1872-1837) préconisant une organisation sociale fondée sur de petites unités autonomes (le Fouriérisme), les Phalanstères, le séduisent : Frédéric Dorian va alors se lancer dans l’étude de l’organisation et du comportement de ces associations de production, au sein desquelles les travailleurs vivent en communauté. Patron entreprenant, Dorian se lie avec le patriciat industriel de Saint-Étienne, qui est souvent de confession protestante. C’était notamment le cas d’une famille de maître de forges d’Unieux, les Holtzer, dont il épouse la fille Caroline le 19 septembre 1849. Dorian entame alors une politique d’acquisition industrielle en partenariat avec son beau-père Jacob, si bien qu’il se trouve à la tête d’un petit empire industriel à la mort de celui-ci. Pour autant Dorian n’a pas renoncé à ses convictions fouriéristes, et son ascension industrielle lui donne l’occasion de mettre en pratique certaines de ses idées progressistes. Il construit des logements sociaux pour ses ouvriers (appelés « la Caserne »), ouvre une école gratuite pour le personnel ainsi qu’une bibliothèque, encourage la création d’une caisse de secours mutuels et même d’une fanfare.

Les convictions de Dorian auraient pu trouver leur application tout près de Saint-Etienne à Pont-Salomon. En 1856, La Gerbe, société en commandite par actions, sous la raison Jackson, Gerin, Dorian & Cie pour la fabrication de faux et de faucilles réunit l’usine Jackson de La Terrasse, l’usine de Rochetaillé et celle de Pont-Salomon. La constitution de la nouvelle société en 1856 entraîne, à Pont-Salomon, la construction d’une nouvelle fabrique sur les bords de la Semène, achevée en 1858, et agrandie entre 1868 et 1869. Elle assure, vers 1862, la moitié de la production nationale de faux et faucilles. Toutefois, certainement par pragmatisme, Dorian ne fondera pas de phalanstère à Pont-Salomon, bien que le contexte s’y prête particulièrement. Car bien que séduit par les idées fouriéristes, Pierre-Frédéric Dorian est avant tout un industriel et il n’est pas sans connaître les limites de l’utopie : la Colonie sociétaire de la « Réunion », fondée par Victor Considérant en 1852 au Texas, s’avère par exemple rapidement un échec.

Dans un cadre d’inspiration fouriériste liant ateliers, logements, école, église et lieux de loisir, se met en place un microcosme où le travail de chacun profite à la collectivité, dépendante elle-même de la prospérité des fabriques. Le philanthropisme se manifeste également, comme l’illustre la création de la coopérative ouvrière « La Gerbe », la caisse de secours, les édifices collectifs (école, église, lavoirs…) ou les diverses donations (par exemple en 1872 lorsqu’il est fait don à la commune de l’église et du presbytère). Mais Dorian assure avant tout la direction de Jacob Holtzer & Cie, avec son beau-frère Jules Holtzer, depuis le retrait de son beau-père, Jacob, en 1860.

L’usine d’Unieux, qui compte 500 ouvriers en 1861, fabrique essentiellement des armes blanches (sabres, fleurets), des aciers fins d’outillage, de taillanderie et de coutellerie et les cloches d’acier qui valent à l’entreprise une médaille d’or à l’exposition de 1867. Il installe dans l’usine un laboratoire de recherches pour le distingué chimiste Jean-Baptiste Boussingault. L’aciérie au creuset, selon le procédé Siemens, y fonctionne à partir de 1869 avec une fonderie au coke. Le pragmatisme reprend ses droits à la fin du siècle, et la philosophie du bonheur industriel se mue progressivement en un paternalisme assumé.

Pour en savoir plus :
Pascal Chambon et Joseph Gourgaud, Pont-Salomon, les hommes de la faux, Saint-Étienne, 1996

En savoir plus : www.pierre-mazet42.com

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1 COMMENTAIRE

  1. Je viens de prendre connaissance de votre article… Il a fait remonter tant de souvenirs : la place Dorian que je fréquentais chaque jour pendant mes années Collège, Rochetaillée où des promenades dominicales nous entraînaient, avec mes soeurs, les dimanches après-midi… les deux collègues professeurs au Collège Victor de Laprade de Montbrison mentionnés en fin d’article (Pour en savoir plus)… Merci à vous Monsieur Mazet. Odile Laxton (Mamie aux chats sur Facebook)

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