L’arpitan c’est le parler forézien, l’ancêtre du gaga

Actu Loire

L’arpitan c’est le parler forézien, c’est le parler gaga. Là, déjà, vous voyez mieux sûrement de quoi on parle. Toutefois, cela ne s’arrête pas au département de la Loire

Publié par Pierre Marie Chevreux

Arpi… quoi ? Arpitan !

Vous le connaissez forcément une partie de la réalité de ce que c’est, derrière ce nom, sauf que vous ne nommez pas nécessairement ça comme cela.

L’arpitan c’est le parler forézien, c’est le parler gaga. Là, déjà, vous voyez mieux sûrement de quoi on parle. Toutefois, cela ne s’arrête pas au département de la Loire. L’arpitan est ce qu’on peut appeler aussi francoprovençal, ça concerne tout Rhône-Alpes nord, mais aussi le Mâconnais et le sud du département du Jura notamment et même la majeure partie de la Suisse romande (excepté le canton du Jura) et le Val d’Aoste en Italie. L’appellation «arpitan » s’impose de plus en plus car on a mieux l’idée d’une langue que si on parle de « patois », de « forézien » ou même de « francoprovençal » .

L’arpitan , qu’est-ce que c’est précisément ?

Tout d’abord, il s’agit bien d’une langue à part entière, séparée du français, des langues d’oïl, mais aussi de l’occitan. La zone où l’on parle l’arpitan s’appelle l’Arpitanie, ce n’est évidemment pas un pays, mais un bassin culturel sur 3 Etats : France, Suisse et Italie, qui concerne pas moins de 7,8 millions de personnes de Pontarlier (Doubs) en passant par Louhans en Saône et Loire jusqu’au sud de la Loire et de Roanne à Sion en Valais suisse et même Suse en Piémont italien. L’arpitan possède sa propre grammaire et son vocabulaire propre, même si on va avoir des emprunts italiens en Val d’Aoste et Val de Suse, des emprunts à l’allemand en Suisse romande et des emprunts au français pour la partie du centre-est de la France qui est concernée.

Toutefois, dans les trois pays, c’est une langue qui se perd et on ne dénombrerait plus que de 150.000 à 160.000 personnes qui utilisent régulièrement cette langue et la parlent. Il y a de rares cas de transmission comme co-langue maternelle comme dans certaines vallées valaisannes et en Val d’Aoste. A noter que le bastion de l’arpitan, c’est le Val d’Aoste car c’est la langue maternelle de 17% de la population valdôtaine et elle est assez comprise dans la région autonome. En France, cela demeure la Savoie qui utilise le plus cette langue.

Comment l’arpitan est-il né ?

Vers 443 quand les Burgondes s’installent au niveau de Rhône-Alpes nord, l’on se trouve en Gaule et la région est largement latinisée, il est probable qu’on y parlait déjà un latin « régional » et non plus le latin classique ou populaire d’Italie centrale, ils vont organiser d’abord un Etat puis une sorte de principauté autonome incluse dans le royaume franc, cela va mener à deux premiers Etats : la Haute-Bourgogne (grosso modo le Jura, la Suisse romande et la Savoie) et la Basse-Bourgogne (Bresse, Lyonnais, Dauphiné et Forez) qui vont se réunir en 933, jusqu’en 1032 pour former le « Royaume de Bourgogne » qui inclura aussi la Provence. Cette longue période entre 443 et 1032 va faire émerger la langue arpitane, qui ensuite sera influencée, mais que partiellement, par le français (c’est lié au rôle important de l’Abbaye de Cluny).

Donc contrairement au français, il n’y a pas eu d’Etat sur la longue durée qui aurait permis l’émergence d’une langue administrative et officielle et quand bien même, il s’agit d’une seule et même langue, on va trouver une dizaine de dialectes sur cette vaste zone.
Une littérature va peu à peu émerger, on peut citer la lyonnaise Marguerite d’Oingt au XIII° siècle, le savoyard Nicolas Martin au XVI° siècle mais aussi le ligérien Guillaume Roquille, né à Rive de Gier au XIX° siècle ! Les érudits au XIX° siècle prenaient souvent la langue d’ici, celle de Saint-Etienne (ou de Fribourg, Aoste…) pour une langue d’oc transformée et il a fallu l’étude linguistique de l’universitaire
italien Graziadio Ascoli en 1873 pour noter les caractéristiques de la langue et la différencier ainsi de l’occitan et du français.

L’universitaire Dominique Stich, chercheur à Lausanne (là où a été fondée la Fédération Internationale de l’Arpitan en 2004), a proposé en 2001, la graphie dite « ORB » : Orthographe de Référence B, afin d’unifier l’écrit et donc de proposer par là un standard (chacun prononçant selon son dialecte)

Quelle est la situation de l’arpitan aujourd’hui ?

La région de Saint-Etienne a eu la spécificité d’utiliser assez régulièrement la langue jusque dans les années 60, ce qui était unique pour un cadre urbain et la langue a même servi de langue d’intégration dans le creuset stéphanois aux mineurs et ouvriers venus de l’étranger.

Aujourd’hui à Saint-Etienne et dans la Loire, on va trouver des conteurs, des associations qui utilisent et promeuvent la langue, mais au final ce qui reste de l’arpitan, c’est l’accent de la Loire et des mots ou des tournures syntaxiques/grammaticales particulières : « babet », « baraban », « aller au médecin », « être gonfle », « c’est franc beau » … C’est ce qu’on appelle un français régional, qui est marquée par l’accent et la langue autochtone régionale d’origine.

Rien ou quasi rien en revanche, pour l’enseignement, on va trouver quelques collèges et lycées en Savoie qui proposent une option facultative, l’option facultative est un peu plus présente depuis 1996 en Val d’Aoste, absolument rien en Suisse n’est pas fait au niveau scolaire. C’est donc une langue en danger et même si l’ancienne Région Rhône-Alpes a reconnu en 2009 « Langue culturelle de Rhône-Alpes » et que la Charte de coopération inter-régionale pour l’arpitan, a été signée en 2015 entre Rhône-Alpes et la Région autonome du Val d’Aoste, il n’en demeure pas moins qu’il manque d’actions concrètes pour promouvoir et développer l’arpitan. Le Collectif « Pour que vivent nos langues » a été créé par le Député Paul Molac et le Député européen François Alfonsi en octobre 2019 a lancé une pétition, je l’ai signée, de même que le Député Régis Juanico.

Les militants linguistiques réclament la création d’un CAPES et d’une agrégation bivalents (langue + une autre matière), près de 30 ans après la naissance des CAPES bivalents en 1990 (occitan, basque, tahitien,…) pour que soit mise en place l’option facultative un peu partout sur l’Académie de Lyon et sur celle de Grenoble dans le secondaire et former les Professeurs des Ecoles à enseigner une initiation à la langue.

Le but étant de généraliser au moins pour l’élémentaire, entre 1 à 2 heures par semaines, l’apprentissage de l’arpitan et à susciter des vocations pour le choix de l’arpitan en secondaire.
Rappelons qu’une langue autochtone régionale permet la gymnastique linguistique, essentielle avec la mondialisation et le caractère beaucoup plus latin de l’arpitan, fait que cela favorise les passerelles avec l’italien (et ses formes régionales), l’espagnol, le catalan, le portugais…

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